Voyez-vous ce jeune homm’ qui passe là-bas...
Aimerait-il celle qui ne l’aime pas ?
Quell’ tristesse sur son front...
Souffrirait-il des poumons ?
De la rate ou des arpions
Chercherait-il encore un appartement ?
Aurait-il lu les vers de Mauric’ Rostand ?
Fait-il le calcul de c’que l’Allemagn’ paiera ?
Vous n’y êt’s pas
(Non c’est bien plus grav’ que ça)
Ce beau jeune homme brun
Sort du bal Tabarin
Et s’il n’a plus le front serein
Refrain
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
Lui qu’était si gai, qui riait toujours, du soir au matin
Mais en dansant sur ces musiques nostalgiques
Il a pris l’air grav’ que vous lui voyez... il n’a pas d’entrain
Il a cet air abruti
D’quelqu’un qui aurait suivi
Un roman cinéma en cent douz’ parties
Il a cet air avachi
D’quelqu’un qui aurait compris
A quoi tout’s les conférenc’s nous ont servi !
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
C’est le tango qui l’a rendu dingo !
Un’ petit’ femme est v’nue chez lui y’a huit jours
Ell’ sentait bon.. Elle était bell’comm’ l’amour
Elle avait des tas de bijoux
Un collier d’perl’s gross’s comm’ tout
Valant chacun’ quarant’ sous...
Mais au bout d’un quart d’heure elle descendit
Entra chez la concierge en poussant des cris
"Je venais pour subir les derniers outrages !
Je suis restée sage !"
(Mais qu’est--c’que c’est qu’ce sauvage ?)
L’autre dans un soupir
Dit : "Rien ne peut l’guérir
Mêm’ pas les pillul’s des fakirs !"
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Refrain
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
Lui qu’était si gai, qui riait toujours, du soir au matin
Ça y’a coupé ses idées mêm’ les plus lubriques
Il ne redress’ plus la têt’ ni les reins... il n’redress’ plus rien
Quand il descend l’escalier
Il a l’visag’ contracté
Sur chacun’ des march’s il va glissant les pieds
Mêm’ l’autr’ jour, qu’un locatair’
M’a dit s’trompant sur son air
"Vot’ nouveau cireur va s’fout’ la gueul’ par terr’"
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
C’est le tango qui l’a rendu dingo !
Mais cette histoir’ devait avoir une fin
On a enterré ce jeun’ homm’ hier matin
En traversant une rue
Tangotant l’oeil éperdu
L’autobus y’a passé d’ssus
Il y’avait beaucoup d’mond’ à son enterr’ment
Tous les dancings avaient un représentant
La délégation des danseurs de shimmy
Est v’nue aussi
(La musique a joué Phi-Phi)
Au cim’tère ce fut beau
Un gratteur de banjo
Sur la tomb’ dit ces derniers mots :
Refrain
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
Lui qu’était si gai, qui riait toujours, du soir au matin
Faut lui él’ver sa statue sur la voie publique
Le représentant parmi les jazz-bands... sombre comme il convient
Il y’a tell’ment d’inconnus
Qui ont déjà leur statue
Q’après tout cell’-là ne fera qu’un de plus
Il mérit’ notre attention
Au tant qu’Truc ou Tartempion
Qui inventa la pommad’ contr’ les morsures !
C’est le tango qui l’a rendu neurasthénique
C’est du tango dont il est mort dingo ! |