| DISCOGRAPHIE DU CHANTEUR SANS NOM 5 "C'était un de ces gars qui ne font jamais rien de sérieux dans la vie, mais un brave type au fond, et un rigolo..." (Louis Barrier) La postérité inflige une bien rude sanction à un artiste en ne rééditant pas ses disques. Ainsi en est-il du Chanteur sans Nom... Une discographie réellement impressionnante, mais une carrière courte et une présence sur scène plutôt discrète, voilà ce qui caractérise un interprète, aujourd'hui trop oublié, mais qui reste un jalon marquant de l'histoire de notre music-hall. La vie ne l'a guère gâté. Car c'est un enfant abandonné. Puis, il est doté d'un physique ingrat: des yeux à fleur de tête, un nez bourbonnien et un double menton vont handicaper une carriere de chanteur de charme qu'autorisait pourtant une voix de velours remarquablement phonogénique... En 1931, après son service militaire dans la marine, il se retrouve seul dans la vie et entre à l'agence Havas, 64 rue Ste-Anne. Un emploi modeste qui consiste à recevoir et à envoyer des dépêches par télétype. Encouragé par ses collègues, il décide de se lancer dans la chanson afin d'arrondir des fins de mois difficiles. Chaque week-end, il se produit dans les bals plus ou moins louches de Paris et de la banlieue. Entre 1933 et 1935, il y côtoiera Jane Chacun, Rina Ketty ou la future Edith Piaf qui, comme lui, n'hésitent pas à faire la quête... Nous avons retrouvé une de ses premières participations, le 2.12.34 au gala des Arts, Sciences et Lettres, salle de l'épicerie française (sic), 12 rue du Renard, avec Jean Cyrano. Sa réputation grandissante lui permet bientôt d'enregistrer chez Pathé et Gramophone une dizaine de disques, sous le nom de Roland Avellys. Fin 1935, après le démarrage de Radio-Cité, il n'hésite pas à aller y retrouver Jacques Canetti. L'ex-directeur artistique de Polydor, grand découvreur de talents, avait supervisé son premier disque. Il engage le chanteur, le baptise "Chanteur sans Nom" (Radio 37 lancera à son tour peu après "Le Chanteur X") et lui fait interpréter chaque jour, à partir de janvier 1936, "Le succès du jour", qui deviendra "Le succès de la semaine" diffusé le dimanche ... La môme Piaf et le Chanteur sans Nom. révélés en même temps par Radio-Cité, se croiseront souvent dans les studios Polydor. Roland Avellys se produit alors sur scène, affublé d'un masque. Cet accessoire, qu'adopte égale ment Lina Margy permet surtout à l'artiste de dissimuler un physique peu avantageux. Le 18.01.36 il est au Familia-Theatre de Calais, avec A. Carrara et Marcel's. En juin 1936, c'est l'un des premiers artistes à chanter pour les grévistes. On l'applaudit en septembre 1936 à l'Européen, puis à Bobino, au même programme que Frehel. Il est aussi le chanteur de l'orchestre Mendizabal au Chantilly. Le supplément Polydor n° 111 de mars 1938 annonce que le Chanteur sans Nom va effectuer une grande tournée dans toute la France et que, pour la circonstance, il abandonnera son masque! En septembre 1938, au sommet de sa popularité, il participe à la fête de Radio-Liberté, avec Edouard Duleu, Jan Lambert, Stello, Saint-Granier puis, en novembre 1938 est au cinéma Gaumont en attraction du film de Tino Rossi "Lumières de Paris", dont il a enregistré les chansons. En décembre 1938, il est de nouveau à l'affiche de Bobino et de l'Européen, puis, en avril 1939, chez Mimi Pinson. Avec Emile Prud'homme, il chante à l'A.B.C en novembre 1940, effectue une tournée et se produit à l'Européen (24.01.41). Il se fera souvent entendre à Radio-Paris: ainsi le 15.03.43, accompagné au piano par Gérard Calvi, il interprète "Monsieur l'amour" et "C'est une chanson". II chante souvent dans les cinémas: Gaumont (05.42)), Paramount (06.42). Rarement au cabaret, il passe cependant en mai 1942 "Chez Marcel Dieudonné" (14 rue Marignan), en même temps que Rose Avril. Le 11.04.43, au Ciné-Kursaal du 12° (17 rue de Gravelle), il participe, avec Jane Chacun, aux 58° Tréteaux de la France Socialiste. Sa discographie nous révèle qu'à partir de 1942 il fait de fréquents séjours en Belgique, enregistrant de nombreux disques pour la marque Rythme. Après des passages aux Folies-Belleville (11.02.44), à Bobino (18.02.44) puis à l'Européen (26.05.45) on perd la trace du Chanteur sans Nom, qui grave un dernier disque chez Pathé le 17.05.46. En 1951, il entre au service d'Edith Piaf. Son rôle auprès d'elle apparait assez ambigü. "Préposé au divertissement, il était aussi l'homme d'approvisionnements secrets" (Pierre Duclos), fournissant discrètement à la chanteuse drogue et alcool. Homme à tout faire, il servait aussi de présentateur dans les tournées. Le 14.08.51 il est victime d'un grave accident de voiture, non loin de Tarascon. avec Aznavour et Piaf. Bilan: sept côtes cassées, fractures du tibia et de la clavicule. Piaf l'invitera à la télévision dans sa "Joie de vivre" le 3.04.54. Il chante "Tous mes rêves passés". La voix n'a pas changé. La chanteuse finira néanmoins par congédier son " joli monsieur" le 15.06.55. Sa fin sera infiniment triste. Malade, diabétique, sans famille, il est hébergé à la maison de retraite de Ris-Orangis où il repose désormais et où Jean Raphaël le rencontrera peu avant sa mort: "?? n'était plus que l'ombre de lui-même. Pâle et en pleurs, il trouva la force de reprendre une part de I'homme blagueur qu'il était et me confia à l'oreille quelques mots d'adieu..." G. ROIG (Remerciement à Roland GERBEAU)  |