Voici l'histoire vraie d'une star déchue qui se faisait appeler "le chanteur sans nom" : grande vedette de la chanson de charme dans les années 1930 et 1940, il se produisait dans les cabarets le visage masqué d'un loup noir. Mais comment le chéri de ces dames, fort d'avoir gravé près de quatre cents 78-tours, a-t-il pu sombrer dans l'oubli ? C'est ce qui a attisé la curiosité du jeune Arnaud Le Gouëfflec, écrivain et scénariste brestois : "Dans une discothèque de prêt, il y a quelques années, j'ai repéré un titre du "chanteur sans nom" sur une compilation, explique-t-il. Cela m'a intrigué, je n'ai rien trouvé sur Internet et j'ai fini par le mentionner sur mon blog." Une dame se manifeste, puis une autre, qui confie avoir connu le mystérieux interprète six ans avant sa mort, en 1974, diabétique et sans le sou.
Arnaud Le Gouëfflec mène l'enquête, et parvient à contacter la fille de Roland Avellis, de son vrai nom. Un drôle d'oiseau, assurément, qui venait chanter chaque soir à la radio le "tube" sirupeux du moment, avec sa voix à la Tino Rossi. Bon vivant rondouillard, boute-en-train porté sur la bouteille et toujours à court d'argent, il n'en était pas moins menteur, profiteur, paresseux, voleur, escroc à la petite semaine. Tout pour déplaire. "Et pourtant ce personnage m'a tout de suite paru sympathique", avoue l'auteur de cette biographie dessinée, formidablement mise en scène par le graphisme talentueux d'Olivier Balez. Le parti pris de faire parler le fantôme du chanteur n'empêche pas le récit d'être rigoureusement véridique, de la rencontre de Roland Avellis avec la môme Piaf débutante, dont il deviendra le protégé, à son compagnonnage avec Charles Aznavour qui ne reniera jamais leur amitié. Bel hommage, que cet album, à un artiste attachant.