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L'encyclopédie du Tango
 
Marcel Proust et le tango
 

     Dans " A la recherche du temps perdu ", 5° volume, " A l'ombre des jeunes filles en fleurs ", achevé en 1918, Marcel Proust évoque le tango à trois reprises.
     Dans son ouvrage " Paris Buenos Aires ", Nardo Zalko cite partiellement ces extraits, mais explique l'anachronisme commis par Proust, car ce dernier situe son action à la fin du XIX° siècle, alors que le tango naissait à peine à Buenos Aires. Ces évocations doivent correspondre à des expériences de Proust durant la rédaction de son roman.
     Le contexte de ces citations donne au tango une coloration plutôt négative.

 
1° extrait
 

Octave obtenait, au casino, des prix dans tous les concours de boston, de tango, etc., ce qui lui ferait faire s’il le voulait un joli mariage dans ce milieu des « bains de mer » où ce n’est pas au figuré mais au propre que les jeunes filles épousent leur « danseur ».

 
2° extrait
 

Personnellement, je ne tenais pas beaucoup à ce que Bloch vînt à l’hôtel. Il était à Balbec, non pas seul, malheureusement, mais avec ses soeurs qui y avaient elles-mêmes beaucoup de parents et d’amis. Or cette colonie juive était plus pittoresque qu’agréable. Il en était de Balbec comme de certains pays, la Russie ou la Roumanie, où les cours de géographie nous enseignent que la population israélite n’y jouit point de la même faveur et n’y est pas parvenue au même degré d’assimilation qu’à Paris par exemple. Toujours ensemble, sans mélange d’aucun autre élément, quand les cousines et les oncles de Bloch, ou leurs coreligionnaires mâles ou femelles se rendaient au Casino, les unes pour le «bal», les autres bifurquant vers le baccarat, ils formaient un cortège homogène en soi et entièrement dissemblable des gens qui les regardaient passer et les retrouvaient là tous les ans sans jamais échanger un salut avec eux, que ce fût la société des Cambremer, le clan du premier président, ou des grands et petits bourgeois, ou même de simples grainetiers de Paris, dont les filles, belles, fières, moqueuses et françaises comme les statues de Reims, n’auraient pas voulu se mêler à cette horde de fillasses mal élevées, poussant le souci des modes de « bains de mer » jusqu’à toujours avoir l’air de revenir de pêcher la crevette ou d’être en train de danser le tango.

 
3° extrait
 
Je retire ce que j’ai dit, dit Charlus d’une voix aiguë et maniérée, vous êtes un puits de science […] Oui, dit-il, je n’ai plus vingt-cinq ans et j’ai déjà vu changer bien des choses autour de moi, je ne reconnais plus ni la société où les barrières sont rompues, où une cohue, sans élégance et sans décence, danse le tango jusque dans ma famille, ni les modes, ni la politique, ni les arts, ni la religion, ni rien. Mais j’avoue que ce qui a encore le plus changé, c’est ce que les Allemands appellent l’homosexualité. Mon Dieu, de mon temps, en mettant de côté les hommes qui détestaient les femmes, et ceux qui, n’aimant qu’elles, ne faisaient autre chose que par intérêt, les homosexuels étaient de bons pères de famille et n’avaient guère de maîtresses que par couverture.
 
Annecdote
 
  - Avec une quinzaine d'années d'intervalle, un lieu parisien a rapproché Proust et le tango. Dans la rue de l'Arcade, à Paris, 8° arrondissement, au n° 11, l'Hôtel Marigny abritait une maison de rendez-vous pour homosexuels. A cet endroit, dans la nuit du 11 au 12 janvier 1918, Marcel Proust a été fiché par la police. Et en 1933, Carlos Gardel a séjourné dans cette même rue, dans un immeuble au n° 14. Une plaque commémorative signale ce passage.