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L'encyclopédie du Tango
 
L'alcool et le tango
 
Article de André Vagnon, octobre 2007.
 

    L’ombre est tiède, le pastis est frais. Une mouche rôde paresseusement autour des olives. Et, en fond sonore, une compilation de Gardel. C’est l’été, le grand calme… Mais quoi ! Je rêve ! J’ai cru entendre, à la fin d’un tango, le mot Pernod ! La mouche n’a pas bronché. Je me lève quand même, remets le morceau, et cette fois j’écoute vraiment. Si, il s’agit bien de Pernod, et au pluriel en plus.
    C’est « Segui mi consejo », de Merico et Trongé. Le texte est un vrai manuel de philosophie, qui déconseille vivement le travail, qui pousse sans complexe à la frime, et aux boissons fortes. Lisons la dernière strophe : «  Fuis le lait, frère, qui ruine le coeur !...  / Enfile-toi du bon rhum, deviens ami du whisky / et, avant de manger, arrose-toi avec quelques pernods. »
    Et la première strophe préconise le champagne pour manger… Bigre. Ce tango n’est pas un modèle de tempérance. Voyons un peu les autres tangos…
    Le champagne ? il coule à flots. Le vin de même. Mais les boissons d’hommes ne sont pas négligées.
    Di Sarli et Marco conseillent au personnage de se verser un autre whisky ( Whisky) pour oublier ses peines de cœur. Car ce sont les déceptions amoureuses les premières pourvoyeuses de l’alcoolisme. C’est à la caña (alcool de canne) que le personnage de Eche otra caña, pulpero demande l’oubli, comme ceux de nombreux autres tangos. Caña qui devient ñaca, en verlan, lorsque le personnage appartient au petit peuple. Celui de La copa del olvido ne sait même plus quoi boire et demande au garçon « Apporte un autre verre et sers- moi quelque chose… pour oublier »
   Mais l’alcool est aussi un élément festif. Sanchez et Vedani évoquent les bandes de copains et les « copas de pernod (verres de pastis) », dans Barra querida. Les frères Fresedo dans A divertirse  recommandent aux étudiants en médecine la « licor » pour faire la fête.
   Toutes les classes sociales trinquent. Et on boit de tout, et beaucoup. On parle de ron (rhum) et de gin dans Aquella cantina de la ribera, d’anisette dans La pastelera, et d’alpiste (liqueur espagnole) dans Lloró como una mujer, de Flores et Aguilar. Le catalogue des alcools forts est complet dans les textes de tangos, et les films complètent le panorama. Ceux de Gardel sont éloquents. Sans arrêt les personnages sont attablés, un verre à la main…
   Mais l’inventaire a été long. Mon pastis est moins frais, et la mouche s’est envolée. Elle m’a laissé les olives.

 Source : Revue Tout Tango, n° 13, oct/déc. 2007, page 11.